SYLATR ! Le nom de l'association ne vient pas de nulle part ! En effet les Fauvettes à tête noire Sylvia atricapilla représentent environ 70 % des captures effectuées lors du suivi de la migration post-nuptiale mené depuis 2017 à la Trimouille. Lors du lancement de la collaboration avec le Département Ecologie Physiologie et Ethologie du CNRS de Strasbourg en 2020, étudier les Fauvettes à tête noire ne fût pas la première étape du projet Migrouille (voir "Nos projets") mais à l'heure de la réflexion sur des premières expérimentations sur le terrain, ce modèle est apparu comme intéressant au vu de la grande diversité de stratégie migratoire qu'il présente à travers de l'Europe.

Figure 1 – Photo standardisée d’une fauvette à tête noire aile déployée
En 2018, Hiemer et ses collaborateurs ont confirmé les changements de migration chez les fauvettes à tête noire en posant des loggers miniatures qui captent la lumière et permettent de localiser l'individu à travers l'enregistrement de ces données. Les informations récoltées ont permis de mettre en avant que la migration en Europe des fauvettes étaient semble-t-il plus compliqué que ce que l'on pensait. En effet, il était connu que les populations d'Europe de l'Ouest migrent vers le sud via la péninsule ibérique alors que les populations orientales contournent la mer Méditerranée par la Turquie. Mais cet article de 2018 a permis de confirmer via des loggers une information connue depuis longtemps à savoir que certains individus migrent vers le Nord après la reproduction pour passer l'hiver en Angleterre et en Irlande (Berthold & Terrill, 1988). Ce dernier article écrit grâce aux données de baguage montraient que ces individus hivernant au Nord provenaient d'Europe centrale. Hors en 2020, une mâle 1A bagué à la Trimouille en septembre a été contrôlé au Pays de Galles un mois plus tard, et nous sommes tous d'accord pour dire que Sainte-Soline n'est pas en Europe centrale ! A partir de ce constat, il était logique de se demander d'où viennent les Fauvettes à tête noire capturées à la Trimouille.

Figure 2 – Distribution des Fauvettes à tête noire selon la longueur d’aile et distinction entre individus à ailes courtes et individus à ailes longues (Ozarowska & Zaniewicz, 2015)
Au vu de la localisation de notre site de suivi, il est fort probable que des fauvettes de différentes populations européennes se côtoient pendant la migration et il est connu qu'il existe un polymorphisme chez cette espèce variant selon la stratégie migratoire des individus (Perez-Tris et al, 1999). En effet, les fauvettes sédentaires et les migratrices présentent des différences morphologiques qui ont été longuement étudiées et concernent : la longueur de l'aile, la longueur de la queue et bien d'autres. En 2015, une étude a même montré qu'il était possible de distinguer les migrateurs courte-distance des migrateurs longue-distance selon la longueur d'aile en utilisant les données de baguage de 1967 à 2006 récoltées sur la station polonaise de Bukowo-Kopañ (Figure 2) (Ozarowska & Zaniewicz, 2015). Il serait donc possible d'estimer l'origine des fauvettes capturées à la Trimouille selon leur morphologie ? Il est bien évident qu'il s'agit juste d'avoir des proportions d'individus migrateurs courte et longue-distance et non pas des localisations précises sur le point de départ des individus mais il semble tout de même intéressant de savoir quels individus fréquentent un site isolé dans les terres.

Figure 3 – Système utilisé à la Trimouille pour les photos standardisées des Fauvettes à tête noire
Les Fauvettes à tête noire pouvant changer de stratégie migratoire au cours de leur vie, il faudra étudier uniquement les individus de première année pour éviter tout effet des traits d'histoire de vie (Alatalo et al, 1984). Les données des quatre premières années nous indiquent que 62 % des fauvettes capturées seraient des migratrices courte-distance (LP < 74 mm) contre moins de 5 % pour les migratrices longue-distance (LP > 77 mm). Pour confirmer cette discrimination des migrateurs, il faudrait confirmer par des mesures morphométriques supplémentaires comme la charge alaire ou la forme de l'aile (Fiedler, 2005 ; Vagasi et al, 2016), et c'est ce que nous avons commencé à faire cette année pendant toute la durée du protocole SEJOUR (Figure 3). Si ces variations interindividuelles étaient confirmées, il serait alors possible de mettre en place d’autres études concernant la génétique des populations ou encore la provenance des individus (Chabot et al. 2012) et plusieurs questions sur les impacts physiologiques de la migration se poseront. En effet, au contraire de la majorité des études existantes, il nous sera alors possible de comparer des individus de la même espèce, de même âge, au même moment, au même endroit, ayant pour seule différence leur stratégie migratoire.
Références
Alatalo (R.R.), Gustafsson (L.) & Lundberg (A.) 1984. Why do young passerine birds have shorter wings than older birds? Ibis, 126 : 410-415.
Berthold (P.) & Terrill (S.B.) 1988. Migratory behaviour and population growth of Blackcaps wintering in Britain and Ireland : Some Hypotheses. Ringing & Migration, 9:3 153-159.
Chabot (A.A.), Hobson (K.A.), Van Wilgenburg (S.L.), McQuat (G.J.) & Lougheed (S.C.) 2012. Advances in linking wintering migrant birds to their breeding-ground origins using combined analyses of genetic and stable isotope markers. PLoS ONE, 7(8) : e43627.
Fiedler (W.) 2005. Ecomorphology of the external flight apparatus of Blackcaps (Sylvia atricapilla) with different migration behavior. Annals of the New York Academy of Sciences, 1046 : 253-263.
Hiemer (D.), Salewski (V.), Fiedler (W.), Hahn (S.) & Lisovski (S.) 2018. First tracks on individual Blackcaps suggest a complex migration pattern. Journal of Ornithology, 159 : 205-210.
Ozarowska (A.) & Zaniewicz (G.) 2015. Temporal trends in the timing of autumn migration of short- and long-distance migrating Blackcaps (Sylvia atricapilla). Ornis Fennica, 92 : 144-152.
Pérez-Tris (J.), Carbonell (R.) & Telleria (J.L.) 1999. A method for differentiating between sedentary and migratory Blackcaps Sylvia atricapilla in wintering areas of southern Iberia. Bird Study, 46 : 299-304.
Vagasi (C.I.), Vincze (O.), Osvath (G.), Erritzoe (J.) & Moller (A.P.) 2016. Morphological adaptations to migration in birds. Journal of Evolutionary Biology, 43 : 48-59.
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