Manip Stress EMBSCH : ça donne quoi ?
- sylatrassociation
- 25 juil.
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Durant l'hiver 2022-2023, une expérimentation avait été menée à la Trimouille, ainsi qu'à la roselière de Bonneuil, en parallèle du suivi annuel des dortoirs de Bruants des roseaux. Ce projet en partenariat avec le CNRS avait pour objectif :
D'étudier la réponse au stress des bruants tout au long du processus de capture au filet
D'évaluer la pertinence des recommandations de capture en utilisant la réponse au stress des individus et leur taux de retour sur leur site d'hivernage

Bruants des roseaux Emberiza schoeniclus
Un peu de contexte. Le programme VOIE du CRBPO est un protocole national qui a pour but de "documenter les variations de voie de migration entre individus, dans l’espace et dans le temps, pour quelques espèces avec une forte pression de baguage en Europe". Quatre espèces sont concernées par ce programme dont le Bruant des roseaux pour lequel le dortoir hivernal de la Trimouille est suivi depuis 2014. Oiseau pourtant habitué au vol de nuit, les recommandations officielles sont de relâcher les oiseaux capturés de nuit (à leur arrivée sur le dortoir) le lendemain matin pour éviter qu'ils ne rejoignent pas le dortoir après la capture engendrant une perte potentielle des bénéfices de ces dortoirs (augmentation du risque de prédation, difficulté de thermorégulation...). L'objectif du projet Stress EMBSCH était de documenter l'intérêt de garder les oiseaux en contention toute la nuit plutôt que de les relâcher dans le dortoir le soir même de la capture, en utilisant le stress ressentit par les oiseaux ainsi que les taux de contrôle observés sur les 2 sites.

Mesures des fréquences respiratoires et cardiaques sur les bruants
En utilisant un micro-cravate placé sous le bréchet pendant 20 secondes tout en comptant simultanément les mouvements respiratoires, nous avons obtenu plus de 1 800 mesures de stress sur plus de 200 oiseaux au cours de l'hiver (mesures après le démaillage, avant et après le baguage, au relâcher). Les paramètres influençant les taux de stress à chaque étape sont résumées dans le tableau 1. Les résultats confirment la littérature scientifique à savoir que le démaillage (et le temps passé dans le filet) reste la période la plus stressante et la plus risquée lors de la capture au filet d'oiseaux sauvages. Le stress est tellement haut lors de cette phase qu'aucun paramètre individuel n'impacte ce taux de stress subit (heure, date, condition corporelle, durée de démaillage, temps passé dans le filet...). Aucune différence significative na été trouvée avant et après le baguage mais le "pouvoir" apaisant du pochon semble être confirmé au vu des mesures de stress plus basse lorsque les oiseaux sortent des pochons.

Tableau 1 - Paramètres influençant le stress lors du processus de capture
Lors de cette expérimentation, les oiseaux ont été répartis sur le terrain en trois groupes :
Groupe A : oiseaux capturés de jour et relâchés de jour directement à la table de baguage
Groupe B : oiseaux capturés de nuit et relâchés de nuit directement au dortoir
Groupe C : oiseaux capturés de nuit et relâchés le lendemain matin après contention en lieu sécurisé
En utilisant les modèles statistiques résumés dans le tableau 1, nous avons comparé les niveaux de stress des oiseaux à chaque étape selon le groupe auquel ils étaient affiliés (Figure 1). Les seules différences significatives trouvées prennent place au relâcher car les oiseaux relâchés de jour (Groupe A) ont des fréquences respiratoires et cardiaques plus élevées que les oiseaux relâchés de nuit ou le lendemain (Groupes B et C). Cela est probablement du à l'effet "pochon" pour ces 2 derniers groupes mais également à la luminosité qui est connue pour être corrélée au stress.

Figure 1 - Comparaison du stress selon le protocole de relâcher (Lemonnier et al, 2025)
L'ensemble de notre jeu de données depuis 2014 nous a également permis de montrer qu'il n'y a aucune différence en terme de retour intra-hiver (taux de contrôle) sur le dortoir peu importe le protocole de relâcher. L'ensemble de nos résultats confirment tout d'abord que la capture au filet n'est pas anodine pour les oiseaux. Les valeurs moyennes de fréquences respiratoires et cardiaques pendant l'ensemble de processus de baguage restent respectivement 30% et 100% supérieures aux niveaux mesurés au repos dans la littérature scientifique. Notre deuxième conclusion est qu'aucun de nos résultats ne permet de conforter les recommandations de relâcher des passereaux capturés de nuit, qui sont basés internationalement sur des avis d'ornithologues de terrain mais non confirmés scientifiquement. Il faudrait cependant un plus grand jeu de données sur les bruants mais également sur d'autres espèces et d'autres milieux pour poursuivre l'investigation sur ce sujet.
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Si jamais vous souhaitez plus d'informations, sachez que cette étude a été publié dans le journal Ardeola en juin 2025 :
Gildas Lemonnier, Sylvia Pardonnet, Pierre-Yves Henry & Etienne Debenest. Stress Responses after Different Release-Times in Wintering Reed Buntings Emberiza schoeniculus. Ardeola 72(2), 263-278, (23 June 2025). https://doi.org/10.13157/arla.72.2.2025.ra6




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